14 novembre 2007 > 6 janvier 2008
Avec Martin Bradley et Jean-Claude Silbermann
Jusqu’au XIXème siècle, fenêtre ouverte transposant une portion du monde visible, la peinture avait pour objet de décrire et de tenir un discours astreint à la littéralité du récit. L’œuvre picturale est saisie comme un document réaliste compréhensible tel un langage ordinaire. Une longue évolution esthétique conduit la peinture à son autonomie, la libère du mimétisme qui contraint l’artiste dans le visible, le tactile et le perceptible.
Depuis, l’effort se place sur le questionnement et le renouvellement de la forme, l’accent est mis sur la recherche d’une vérité qui échappe aux conventions établies. Les images créées ne relèvent que d’elles-mêmes non affaiblies par un souci de ressemblance ou de conformité et réclament une adhésion par sympathie ou par empathie.
Face à son nouveau dessein, la peinture propose une sémantique attachée à la nature intime du peintre et à sa conception de l’existence. L’artiste a désormais le pouvoir de fonder une vision originale et de lui donner forme et expression à travers son œuvre.
Il donne à voir, propose la découverte de sens nouveaux, à l’œil certes, et essentiellement à notre imagination et à notre affectivité.
Suspendu dans le vide, entre l’évident et le dérobé, c’est à l’artiste de réinventer chaque jour l’Echelle de Jacob. Différents chemins sont empruntés : le cubisme, le fauvisme, le dadaïsme,…À l’instar du surréalisme littéraire d’André Breton, le surréalisme pictural, en libérant l’inconscient et l’irrationnel de la raison, en conciliant le rêve et la réalité, suscite l’avènement de nouveaux espaces picturaux et un autre imaginaire. Un prodigieux générateur d’images pour Chirico, Max Ernst, Jean Arp, Man Ray, André Masson, Joan Miró et notamment pour Martin Bradley et Jean-Claude Silbermann.
En quête des domaines troublants de l’irréalité et des songes, les rêveurs éveillés Martin Bradley (né en 1931) et Jean-Claude Silbermann (né en 1935) adoptent la démarche surréaliste, s’appuyant sur l’automatisme, les intuitions du subconscient et une aspiration permanente à un monde de poésie.
Leurs peintures, d’une liberté absolue (joyeuse chez Bradley, ambiguë chez Silbermann) prennent naissance aux sources même de l’imaginaire et du phantasme où souvenirs d’enfance, mythes et rêveries poétiques se mêlent inextricablement.
Dans l’œuvre de Bradley, le foisonnement de formes hybrides sans considération d’échelle ni de pesanteur et disposées dans un espace bouleversé – à l’image du « flux serpentin d’une subjectivité rêveuse » – convoque l’inconscient et le conscient dans un apparent désordre.
D’une simplicité candide, percutantes cependant, les légères figures peintes sur bois découpé de Silbermann évoquent les fragments d’un rêve qui se veut réalité. Des visions oniriques qui, sous une apparence gratuite et arbitraire, recèlent une nécessité cachée, une promesse de sens.
L’euphorie créatrice de Martin Bradley et de Jean-Claude Silbermann a pour visée unique : vêtir l’idée d’une forme sensible et la volonté de tracer des images qui pèsent sur la mémoire, des images qui déplacent l’œil.