Charles Lapicque, « je » multiple

6 juin > 22 juillet 2007

Une soixantaine d’œuvres sur papier – des lithographies et quelques eaux fortes invitent à un parcours passionnant dans l’univers polymorphe de Charles Lapicque (1898-1988).

Difficilement classable, cet ingénieur et scientifique de formation désoriente par de nombreuses interrogations posées sur la « transfiguration de l’apparence » face au vivant.

Essentiellement seul dans sa démarche, loin de s’enfermer dans une petite formule technique, par le jeu tentateur des multiples échappatoires possibles, Charles Lapicque propose une figuration « libérée » fondée sur les complexes dynamiques dessin/couleur et mémoire/imaginaire ; un art des plus vivants.

Fidèle à la palette éclatante des Fauves, il en use dans un esprit personnel et témoigne autant de science que d’éloquence. Cette ferveur de l’invention, qui guide ses déclinaisons plastiques, répond à une exigence impérative : refus d’un langage plastique préétabli au profit d’un nouvel ordre de la peinture basée sur la sensation vécue, le ressenti et la mémoire.

Charles Lapicque exploite avec bonheur les ressources chromatiques de la lithographie. Le procédé exige le même caractère de tension, la même dépense d’énergie créatrice. Mais il a l’avantage d’être multiplié pour satisfaire un public nombreux. Et par sa grande flexibilité, il lui offre une liberté considérable, garde l’empreinte sensible de ses inspirations.

L’œuvre lithographique de Charles Lapicque, commencée en 1945 a l’accent de sa peinture. D’une diversité foisonnante, elle présente pas moins de trente périodes stylistiques. Sa jeunesse d’esprit et cette impétueuse nécessité de « faire quelque chose d’inattendu » se résument ainsi dans son credo de peintre « créer, c’est s’accorder une liberté illimitée ».

Charles Lapicque, "Ange Vénitien" 1955 © Adagp, Paris 2007

5e Biennale d’Antony

10 octobre > 4 novembre 2007

Avec Béatrice Bonnardel, Jean-Jacques Bourdel, Xavier Eninger, Evelyne Gianetto, Yvette Libert, Jean-Luc Potier (Pireto), Régine Soulier

Jean-Jacques Bourdel, "Les oies" c.1950
Evelyne Gianetto, "Naissance"

Martin Bradley & Jean-Claude Silbermann : la main qui écrit-peint

14 novembre 2007 > 6 janvier 2008

Avec Martin Bradley et Jean-Claude Silbermann

Jusqu’au XIXème siècle, fenêtre ouverte transposant une portion du monde visible, la peinture avait pour objet de décrire et de tenir un discours astreint à la littéralité du récit. L’œuvre picturale est saisie comme un document réaliste compréhensible tel un langage ordinaire. Une longue évolution esthétique conduit la peinture à son autonomie, la libère du mimétisme qui contraint l’artiste dans le visible, le tactile et le perceptible.

Depuis, l’effort se place sur le questionnement et le renouvellement de la forme, l’accent est mis sur la recherche d’une vérité qui échappe aux conventions établies. Les images créées ne relèvent que d’elles-mêmes non affaiblies par un souci de ressemblance ou de conformité et réclament une adhésion par sympathie ou par empathie.

Face à son nouveau dessein, la peinture propose une sémantique attachée à la nature intime du peintre et à sa conception de l’existence. L’artiste a désormais le pouvoir de fonder une vision originale et de lui donner forme et expression à travers son œuvre.

Il donne à voir, propose la découverte de sens nouveaux, à l’œil certes, et essentiellement à notre imagination et à notre affectivité.

Suspendu dans le vide, entre l’évident et le dérobé, c’est à l’artiste de réinventer chaque jour l’Echelle de Jacob. Différents chemins sont empruntés : le cubisme, le fauvisme, le dadaïsme,…À l’instar du surréalisme littéraire d’André Breton, le surréalisme pictural, en libérant l’inconscient et l’irrationnel de la raison, en conciliant le rêve et la réalité, suscite l’avènement de nouveaux espaces picturaux et un autre imaginaire. Un prodigieux générateur d’images pour Chirico, Max Ernst, Jean Arp, Man Ray, André Masson, Joan Miró et notamment pour Martin Bradley et Jean-Claude Silbermann.

En quête des domaines troublants de l’irréalité et des songes, les rêveurs éveillés Martin Bradley (né en 1931) et Jean-Claude Silbermann (né en 1935) adoptent la démarche surréaliste, s’appuyant sur l’automatisme, les intuitions du subconscient et une aspiration permanente à un monde de poésie.

Leurs peintures, d’une liberté absolue (joyeuse chez Bradley, ambiguë chez Silbermann) prennent naissance aux sources même de l’imaginaire et du phantasme où souvenirs d’enfance, mythes et rêveries poétiques se mêlent inextricablement.

Dans l’œuvre de Bradley, le foisonnement de formes hybrides sans considération d’échelle ni de pesanteur et disposées dans un espace bouleversé – à l’image du « flux serpentin d’une subjectivité rêveuse » – convoque l’inconscient et le conscient dans un apparent désordre.

D’une simplicité candide, percutantes cependant, les légères figures peintes sur bois découpé de Silbermann évoquent les fragments d’un rêve qui se veut réalité. Des visions oniriques qui, sous une apparence gratuite et arbitraire, recèlent une nécessité cachée, une promesse de sens.

L’euphorie créatrice de Martin Bradley et de Jean-Claude Silbermann a pour visée unique : vêtir l’idée d’une forme sensible et la volonté de tracer des images qui pèsent sur la mémoire, des images qui déplacent l’œil.

Jean-Claude Silbermann, "La voix Sèche" © Jean-Louis Aubert
Martin Bradley, "Dream Boat" © Jean-Louis Aubert

Le Paris de Boubat

16 janvier > 16 mars 2008

Dans la France de l’après-guerre, au lendemain de la Libération, la magie de chaque instant vécu paraît comme une qualité intrinsèque et indestructible de la vie. Édouard Boubat est saisi d’un immense appétit de vivre. Il veut communiquer cette perception, faire partager sa nouvelle vision. Comme un témoin. Et c’est toute son existence qui se fonde dans sa quête : célébrer le « réalisme poétique » de la vie quotidienne dont l’essentiel réside dans la simplicité toujours changeante, toujours présente.

Édouard Boubat aime la peinture mais préfère la photographie. Pour saisir le réel dans ses accents les plus imprévisibles, ce procédé offre la chance de fixer l’instant privilégié (offert à tout le monde à qui sait le « cueillir ») dans toute sa finesse. Car il présente une dimension qui dépasse les apparences : restituer l’atmosphère implicite. La photographie n’est pas une copie ; elle est « la retenue d’une vibration ».

Cette pratique ne demande pas de travail au préalable ; il sollicite la rencontre des éléments, des personnages et du photographe. « Croisée des rayons à travers l’objectif, croisée d’un regard avec le vôtre, croisée d’un instant avec un geste ». Il importe alors à Boubat d’entretenir cet « élan visuel amoureux » qui le pousse vers les choses pour mieux dérober l’insaisissable. Par la patience, la réflexion, le hasard, prendre son temps et savoir s’effacer. « Les photographies que nous aimons ont été faites quand le photographe a su s’effacer ». Rien que çà.

Paris, il le traverse tous les jours. Sa ville natale lui propose toujours un regard, une rencontre, un sourire d’enfant, l’éblouissement d’une certaine lumière. Des « paysages de vie » sans artifice qui font de la réalité matière à rêves. Et chaque jour est un voyage, presque un pèlerinage dans sa quête de l’imaginaire et du merveilleux. Le noir et blanc pour plus de marge au rêve, au souvenir et à l’imagination. Avec un espoir, « quand la photo devient une sorte de cadeau, celui de l’inattendu qui dépasse nos attentes », le plus grand bonheur !

Les 116 « bonnes photos simples » d’Édouard Boubat, sur Paris et présentées ici, ont l’accent d’un poème. Elles portent la trace d’une sensibilité formelle, enrichies de la perception d’un « œil » resté toujours vierge.

Two children at the counter of a clockmaker in Montmartre (Paris).
19480000
Deux enfants au comptoir  d'un horloger à Montmartre (Paris).
19480000
Édouard Boubat, "Paris, France, 1948" © Édouard Boubat

Scènes d’ateliers

29 avril > 20 juillet 2008

Avec Sylvie et Philippe Bouliet, Jean-Paul Douziech, Federica Matta et Marcoville

Le terme « atelier » évoque l’artisanat, le labeur au quotidien. C’est un endroit où l’on travaille de ses mains sur des matières, des fers, du bois, du verre, où chaque artiste solitaire invente son langage, ses signes. L’œuvre, partant d’une intention flottante, ne prend forme qu’à travers une suite de manipulations qui l’inventent et la réalisent. C’est dans ces jeux subtils et multiples de solutions plastiques renouvelées que se révèle l’évolution d’un travail.

Ainsi, la visite d’atelier – dans l’imaginaire du public – reste un rituel initiatique pour la compréhension de l’œuvre.

L’exposition « Scènes d’ateliers » invite à un parcours passionnant dans l’univers de cinq sculpteurs, Federica Matta, Sylvie et Philippe Bouliet, Marcoville, Jean-Paul Douziech.

Pour explorer la dimension du merveilleux, ils optent pour une démarche figurative voire narrative. Leurs réalisations, leurs ébauches témoignent d’une curiosité inlassable pour la multiplicité des formes, des mouvements, des lumières qu’offrent la vie apparente et la vie rêvée.

Mille images de formes et de couleurs pour l’univers de Federica Matta, monde ambigu de Jean-Paul Douziech entre légèreté apparente et oppression voilée, espace joyeux et heureux de Marcoville où se disputent formes gaies, silhouettes rondes et lumières ombrées, terrain de jeu bruyant chez Sylvie et Philippe Bouliet où se bousculent des créatures faites de papier et autres combinaisons.

Le dessein de « Scènes d’ateliers » n’est pas de reconstituer un lieu de création. C’est un aperçu pêle-mêle d’un « travail-passion ». Une façon d’ouvrir son cœur et de se livrer en toute confiance et en toute sincérité.

Marcoville, "Bananiers, atelier d'artiste", 2004 © Serge Lopez
Jean-Paul Douziech, "Kangou-roue", 2004
Federica Matta, "Le voyage de la Sirène", 2001 © Adagp, Paris 2008
Sylvie et Philippe Bouliet, "Monsieur Loyal", 2006 © Jean-Baptiste Lardenois

Contemplations japonaises

12 novembre 2008 > 4 janvier 2009

Avec Takéo Adachi, Noriko Fuse, Tomohide Kameyama, Eri Tanaka

En dépit de son insularité – un pays souvent isolé et jamais envahi avant 1945 – le Japon a toujours été, dans son essence, d’une grande réceptivité culturelle, prêt à accueillir toutes les « alluvions » étrangères venues d’outre-mer.

Marquée par de grands courants d’influences dès le VIème siècle, la longue histoire picturale japonaise présente cependant une cohésion et une unité qui forcent l’admiration. Cette spécificité révèle une curiosité et une avidité de savoir sans cesse présentes, un mode de pensée qui s’approprie des apports  intellectuels par synthèse et par sélection.

Infuser une vie nouvelle aux styles et techniques anciens, c’est cette persistance qui a façonné un univers artistique et culturel complexe et riche, entre esthétique originelle et adaptation d’idées externes.

Sur les traces des aînés partisans du mélange des cultures, Takéo Adachi, Noriko Fuse, Tomohide Kameyama et Eri Tanaka ont parcouru le monde, exploré tous les modes d’expression artistique pour se renouveler et parfaire leur apprentissage. Mais en cherchant à assimiler ce qui fait la grandeur de l’art occidental, ces hommes et ces femmes redécouvrent le génie de leur culture ancestrale.

La tendance actuelle est à la provocation, à la dérision, au modernisme effréné du monde numérique. Takéo Adachi, Noriko Fuse, Tomohide Kameyama et Eri Tanaka préfèrent s’inscrire  dans un art discret et paisible, dans un style qui équilibre matière et esprit, réel et imaginaire. Ils puisent leur inspiration dans leur patrimoine culturel et conçoivent leur art comme la mise en pratique d’une philosophie de vie, comme un exercice de réalisation intime  dans un inépuisable dialogue avec la Nature.

Dans ses peintures de paysages, de jardins secs subtilement disposés, Takéo Adachi se veut observateur fidèle de la nature. Malgré une facture hyperréaliste (qui exige la lenteur, la patience du crayon), des contrastes d’ombre et de lumière (pour donner une équivalence tactile plutôt que colorée), son art s’ingénie à saisir l’essence des choses, à trouver une résonance plus profonde, plus mystérieuse qui transcende la forme.

La peinture de Noriko Fuse est comme un poème Haïku chantant les petits riens de la vie de tous les jours et du monde qui nous entoure. À travers une tonalité presque monochrome, chargée d’infinies nuances, des lignes aux accents gravés, incisives et indécises à la fois, obéissant à ses élans secrets, un jeu rythmique d’harmonies et de contrastes qui s’apparente à un jeu musical, Noriko Fuse décrit son monde, ces scènes saisies intérieurement, avec sensibilité et légèreté, avec une économie de moyens qui enchantent.

Les portraits de plantes finement gravés jusqu’à la préciosité expriment la sympathie de Tomohide Kameyama au monde végétal. La précision parfaite des détails exactement observés porte, peut-être, la trace d’un certain naturalisme. Mais ces formes naturelles ne sont que matière première à partir de laquelle Tomohide Kameyama mène son interrogation sur le temps, éternelle lutte de l’homme.

Eri Tanaka aime la beauté de la pierre et la musique. Elle trouve, dans l’utilisation de ce matériau traditionnel, un moyen d’équilibrer ses deux passions : faire de la musique avec un propos de sculpteur.

Ses créations récentes, les « Giant Step », évoquent les pas de chemins de pierre. Monumentales, elles suggèrent l’empreinte de l’héritage du passé et son cheminement artistique présent et futur. Les sculptures sonores d’Eri Tanaka, parce qu’elles sont à la fois musique, sculpture et spectacle, s’inscrivent dans le temps, dans l’espace et dans le vivant.

L’exposition « Contemplations Japonaises » convie, le temps du regard, le temps d’une réflexion, à découvrir et à s’imprégner de ces sensibilités japonaises.

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Noriko Fuse, "Intervalle entre deux""

Janice Niepce, Sabine Weiss : Objectifs femmes

14 janvier > 15 mars 2009

Avec Janice Niepce et Sabine Weiss

Voir par procuration pour le photographe suggère un travail en solitaire. Aucune passivité dans ce métier qui exige à la fois un engagement dans le temps et des compétences techniques (nécessaires car l’appareil photographique est le prolongement de l’intuition). Avec une inlassable curiosité, l’œil alerte, le photographe est à l’affût de ces instants  décisifs, seul à entendre le déclic entre lui et le sujet. Comme un témoin, placé là où il faut, quand il le faut, il fixe l’insaisissable dans sa spontanéité et son originalité. École d’attention, d’instinct, d’anticipation, de concentration, la photographie semblerait une prérogative masculine.

Fixer les moments intenses d’émotion, de beauté, d’insolite, conserver l’éphémère…

Janine Niepce (1921-2007) et Sabine Weiss (1924) ont la passion de ces images instantanées jusqu’à en faire leur métier. Peut-être, par attrait pour l’aventure suscitée par le métier mais surtout par engouement pour des possibilités expressives de la photographie qui se révèle comme un langage  en attente d’être dynamisé par un regard individuel.

Évoluant dans un univers alors exclusivement masculin, Janine Niepce et Sabine Weiss ont œuvré avec opiniâtreté pour mener à bien leur rêve de femme française moderne : réaliser des « chroniques visuelles » de l’histoire contemporaine, de la vie, sans faillir à leur rôle d’épouse et de mère.

« Ce qui est difficile, c’est de photographier ce qui est proche de soi, des scènes de la vie quotidienne » (Janine Niepce), « L’amour des gens, c’est beau. C’est grave, il y a une profondeur terrible » (Sabine Weiss).

À l’instar de leurs contemporains, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis, Édouard Boubat, Robert Doisneau, elles ont privilégié le rôle humain du photographe en plaçant l’homme au cœur de leur propos. Mais ces deux femmes photographes se démarquent par une différence d’approche, de sensibilité et de choix du sujet. Un assemblage subtil d’humanisme, de politique et d’intimité.

Janine Niepce, première femme reporter-photographe française, a utilisé son regard aiguisé pour retracer les bouleversements sociaux qui ont marqué la deuxième moitié du XXème siècle : la vie rurale en voie de disparition, la période insouciante des « Trente Glorieuses », Mai 68… Mais c’est en témoin attentif et engagé que Janine Niepce couvre l’évolution de la condition féminine faisant d’elle le photographe de l’histoire des femmes en France. Exigence du cadrage et rigueur de la composition, chez Janine Niepce, soulignent sa finesse d’observation, son art du détail révélateur.

Photographe de l’émotion, Sabine Weiss a beaucoup observé l’enfance, source inépuisable de scènes drôles, tendres et toujours émouvantes. Pour chercher l’expression, le regard, le geste inoubliable dans sa spontanéité et dans sa simplicité, elle se fait complice des enfants dans  leurs rires et leurs jeux, proche de son sujet pour entrevoir l’âme car une photographie est toujours le récit d’une relation. Les portraits d’enfants de Sabine Weiss livrent une observation respectueuse, attendrissante, maternelle.

Dans un balancement incessant entre montrer et suggérer, entre réalité et expression, leur talent photographique, combiné à l’intelligence, à l’esprit et à la ténacité, a forcé le respect de leurs confrères.

La centaine de photographies en noir et blanc, ici exposées, nous invite à glisser notre regard dans l’objectif de Janine Niepce et Sabine Weiss.

Janine Niepce, "Une petite fille est née dans une rose" , Paris, 1967 © Janine Niepce
Sabine Weiss, "Rapho, Egypte", 1983 © Sabine Weiss/Rapho

Herman Braun-Vega : Mémoires

6 mai > 26 juillet 2009

Abstrait dans les années 50, Herman Braun-Vega aurait pu rejoindre les grands noms de la peinture informelle. Mais, par amour du dessin parfait, par amour des grands classiques de la peinture occidentale (découverts grâce à ses séjours d’études et de recherches en Europe), il opte pour un art figuratif et fonctionnel où la peinture tient lieu de discours, de littérature et de témoignage.

Inspiré par le travail de Picasso autour de Vélasquez, Herman Braun-Vega revendique, depuis quelques décennies, le plaisir de jongler avec des styles picturaux et de pianoter dans les registres dissemblables tout en restant attentif au monde qui l’entoure.

Cette liberté prise lui a permis d’innover, dans un même espace pictural, un système de trois mémoires : la mémoire historique à travers l’iconographie des grands maîtres devanciers (choisis par filiation d’idées), la mémoire sociale et politique à travers les évènements du monde grâce à la technique de transfert des coupures de journaux et la mémoire quotidienne du peintre (c’est-à-dire tout ce qu’un enfant ou une personne peu cultivée peut reconnaître dans le tableau et associer à son vécu).

Loin d’être confuse, cette juxtaposition d’images incongrues sert une nouvelle réalité fictive mais parfaitement véridique et vérifiable, avec un sens raffiné de la mise en scène et de la mise en couleurs. Et l’on y prend plaisir à retrouver un symbole, à reconnaître un message.

Une trentaine d’œuvres – peintures et dessins – vous invite à vous laisser aller au charme de ce florilège. Car malgré cette densité conceptuelle (syncrétisme, métissage culturel et artistique), la peinture de Braun-Vega est claire, compréhensible même pour le plus néophyte des spectateurs.

15 Don Pablo baila un huayno
Herman Braun-Vega, "Don Pablo baila un huayno (danza andina de la Sierra peruana) bajo la mirada sorprendida de Matisse (Duncan)", 2005 © Adagp, Paris 2009

6e Biennale d’Antony

7 > 31 octobre 2009

Avec Aïoub Emdadian, Irina Manchuelle, Anne Moser, Yvon Mutrel, Piko-Cauwel, Pascal Roiné, Emmanuel Schamelhout, Laurent Thauvin

Anne Moser, "Ancrage 0405, La Gendronnière, forêt", 2005
Piko-Cauwel, "Couple "
Aïoub Emdadian, "Pêcheurs"

Europe : Danemark, Hongrie et Roumanie

12 novembre 2009 > 17 janvier 2010

Avec Bjarne Agerbo, Søren Bjaelde, Bo Halbirk, Claus Handgaard, Charlotte Hjorth-Rohde, Catherine Poher, Andrea Biro, Itsván Orosz, Márton Takáts, Antal Vásárhelyi, Csaba Zemlényi, Mircia Dumitrescu, Ion Atanasiu Delamare, Rézegh Botond, Petru Şoşa, Orbán Anna-Mária et Baász Orsolya 

L’estampe est toujours le produit de deux opérations successives : la création de la matrice (cuivre, bois, pierre ou toute autre matière dure) sur laquelle l’image est gravée soit en creux, soit en relief. Et l’impression faite à l’aide d’une presse sur une feuille de papier, à la fois souple et résistante, un papier « amoureux » qui aime l’encre.

Une table de travail bien éclairée suffit pour le graveur sur bois. Il se contente d’un frotton ou d’un brunissoir pour réaliser ses épreuves d’essai, résultat de la « patience impatiente » du graveur. Infiniment plus complexes, les autres procédés, la taille douce, l’eau-forte, l’aquatinte, les procédés photographiques et numériques nécessitent un équipement spécifique, lourd et onéreux, inaccessible aux graveurs travaillant seuls. Les ateliers collectifs de gravure résolvent cette difficulté et renforcent la communication entre graveurs. Dans ces lieux de création, on veille à la culture esthétique et technique et à la promotion des réalisations de ceux qui se destinent à ce métier difficile.

Européen convaincu, francophile de cœur, le peintre et graveur danois Torben Bo Halbirk a fondé, en 1992, l’Atelier Bo Halbirk situé dans le 11ème arrondissement de Paris. Originellement conçu comme un lieu de travail et de contact pour les artistes danois et français, l’Atelier BH est vite devenu un lieu de rencontre et de recherche pour des graveurs de toute origine. Des relations ont été nouées avec d’autres collectifs en Europe mais aussi dans le monde. La réunion de 17 artistes européens résulte de ces échanges amicaux qui maintiennent et développent le dynamisme de cet art séculaire.

Les danois Bjarne Agerbo, Søren Bjaelde, Bo Halbirk, Claus Handgaard, Charlotte Hjorth-Rohde, Catherine Poher sont membres de l’Union des Artistes Graveurs Danois ; Les hongrois Andrea Biro, Itsván Orosz, Márton Takáts, Antal Vásárhelyi, Csaba Zemlényi viennent de l’Association des Aquafortistes et des Lithographes Hongrois. Les roumains Mircia Dumitrescu, Ion Atanasiu Delamare, Rézegh Botond, Petru Şoşa, Orbán Anna-Mária et Baász Orsolya font partie de l’Association de Taille-Douce Roumaine. 

L’ensemble des œuvres originales imprimées offre un foisonnement d’individualités, de sensibilités, d’esthétiques et de tendances artistiques les plus diverses. Tout en conservant leur appartenance spirituelle et l’obligation de rigueur propre à l’estampe.

Respect du beau métier chez les artistes graveurs hongrois et roumains qui recourent aux procédés traditionnels, suffisants pour porter leurs visions et servir leurs styles. L’eau-forte et ses subtiles oppositions soulignent la notion du temps chez Takáts, la vision paradoxale et illusionniste d’Orosz . Combinées aux riches grisailles de l’aquatinte, elles subliment la démarche surréaliste d’Atanasiu Delamare ou le graphisme tendu de Dumitrescu. La lithographie révèle la sensibilité d’Andrea Biro et la sérigraphie reflète la rêverie mélancolique d’Orbán.  

Un désir de renouveau et un besoin de liberté animent les artistes danois qui promulguent l’émancipation de toutes ces traditions. Les paysages de Bo Halbirk, en aquatinte enrichie de diverses improvisations et adjonctions, engendrent l’ombre et son mystère. Les images numériques de Handgaard réfléchissent notre désarroi devant la complexité du monde moderne. La photogravure, en intégrant les éléments photographiques, permet à Hjorth-Rohde d’explorer la réalité occultée. 

Dix-sept artistes graveurs européens, trois ateliers collectifs, cinquante trois estampes originales contemporaines qui dévoilent la vitalité de cet art ancestral. À chaque visiteur de réussir son « essai au bonheur », à la découverte de ces images imprimées.

Bjarne Agerbo, "Bad day"
Márton Takáts, "Budapest, Hommage à Piranèse IX"
Ion Atanasiu Delamare, "Silhouette"