25 octobre > 4 décembre 2011
Avec Michel Riehl et Daniel Kermann
Dès 1890, la photographie, dégagée de l’influence de la peinture en tant que technique, exploite ses caractéristiques propres, s’investit dans tous les mouvements artistiques avant-gardistes comme médium créatif pour devenir une tradition instantanée, capable de véhiculer idées et concepts esthétiques. Elle ne se contente plus de reproduire ; par la présentation en séries, la photographie s’équilibre entre description objective et commentaire subjectif.
La pratique de la photographie contemporaine résulte d’un processus intellectuel. Aucune spontanéité ni instantanéité de l’image. De sa prise de vue à son traitement technique, elle est le spectacle d’un contrôle permanent. Le travail délibéré de la couleur (à dramatiser ou à esthétiser le sujet), les retouches numériques, le grand format jusqu’à son mode de présentation portent l’empreinte de la sensibilité et la personnalité de l’auteur.
Daniel Kermann et Michel Riehl préfèrent une vision plus subjective et une transcription de sensations, prenant le parti de l’auteur contre l’opérateur, de l’interprétation contre la transmission du réel. Les photographies prennent alors valeur de tableaux.
Dans ses déambulations photographiques, Michel Riehl se veut être « l’interprète visuel » des œuvres de la nature. Observations du sujet, prises de vue, cadrages, lumière, accrochage dense des images, il réorganise son témoignage visuel qui aura obéi à la réaction de ses yeux et l’accord de son cœur. Les séries Épis d’été, Contraintes, Glacier d’Islande, Lagune Argentine… concourent, image après image, à la sublimation de la nature.
Inspirées des natures mortes hollandaises du XVIIème siècle, des Vanités de l’époque baroque, les séries Maux du monde, Cabinets de curiosité, Névralgie, Bûches… ont des liens très étroits avec la peinture classique. Daniel Kermann entend produire des tableaux, l’équivalent de peintures avec l’outil photographique, en adéquation avec notre époque. Par souci de « faire » l’image, les manipulations numériques sont nécessaires quand la technique photographique pure ne peut restituer le climat, l’angoisse et le désespoir.
Le désir de voir est avant tout une excitation du regard. La chorégraphie de la nature de Michel Riehl, les tableaux photographiques de Daniel Kermann proposent un art de l’image fixe. Ils marquent le retour manifeste au réalisme photographique de la peinture et au « pictorialisme » non unique mais sériel.