17 février > 25 avril 2010
Avec Christophe Dugied et Andoche Praudel
Porteuse d’une représentation descriptive mais aussi subjective de la réalité, la photographie semble avoir la faculté de véhiculer des idées et des concepts esthétiques. Plus qu’une technique, c’est un outil conceptuel autonome susceptible de mener à la perfection le projet artistique. Depuis les années 60, cette technologie connaît un engouement sans précédent chez les artistes qui l’intègrent de plus en plus à leur pratique. Cent soixante-dix ans après son avènement, la photographie fait partie des sept familles de l’art contemporain avec une grande variété de styles, de présentations et d’intentions.
L’acte photographique actuel résulte d’un processus intellectuel qui est à l’opposé de la photographie sur le vif, de l’instant décisif défini comme le moment le plus significatif d’une réalité donnée. Aujourd’hui, l’information photographique (en tant que témoignage documentaire) est orientée vers une direction autre. Pour mieux appréhender la perception du monde, on utilise l’idée de collection, on fait appel à la « pensée des arts plastiques » pour donner une dimension et un statut artistiques.
À la frontière du reportage, le travail photographique de Christophe Dugied et d’Andoche Praudel reflète cette même intention esthétique.
Christophe Dugied aime les paysages nocturnes et périurbains consacrés aux ports, entrepôts et usines désertés. Il produit des tableaux photographiques comme en témoignent leur grand format et l’utilisation des couleurs qui matérialisent la lumière. Le cadrage des architectures, le jeu infini des lignes, l’accent mis sur les ombres ciselées concourent à transcender (théâtralement) ces lieux de transition et provoquent le sentiment d’une narration suspendue. Les œuvres de Dugied s’apparentent aux images filmiques. Il y règne une atmosphère de mystère, d’attente et de menace.
Andoche Praudel immortalise les vestiges d’un monde rural en déclin à travers les séries « Cours de fermes » et « Champs de bataille », issues d’un travail d’inventaire et de réflexion. Les paysages sans présence humaine sont lisibles, la couleur leur confère une illusion d’idéalité.
Mais l’aspect documentaire revêt la dimension artistique. Par le choix du grand format panoramique, pris à la peinture, qui doit apporter une plénitude au regard et faire ressentir l’harmonie et l’ambiance du lieu. Par l’emploi d’un papier japonais traditionnel qui apporte, outre la séduction d’une estampe, une valeur littéraire et une atmosphère poétique à ses champs agraires. Ces conditions sont favorables à la contemplation et à la prise de conscience d’une nature de plus en plus dévastée.
Les photographes Christophe Dugied et Andoche Praudel se prêtent au jeu du documentaire sans esprit de documentation. Pour magnifier leur sujet simple et banal, ils restent attentifs à la qualité technique convaincus que la force de l’image peut engendrer des émotions intenses, établir le dialogue avec celui qui la regarde.
Ces fragments de paysages réalisés nous laissent osciller entre interrogation et étonnement. Nous sommes prêts à garder l’œil éveillé et la conscience en alerte.