4 avril > 26 mai 2012
Avec René Botti et Daneil Maja
L’image prolonge le mot, supplée au verbe impuissant. Parfois, elle se suffit et parle d’elle-même, mieux que les mots. Silencieuse, elle remue des sentiments.
Depuis les années 70, indépendant ou collaborant principalement au Magazine Littéraire, Le Monde, le New Yorker, René Botti et Daniel Maja sont chroniqueurs et rédacteurs graphiques du grand théâtre de la vie. Avec une écriture visuelle singulière, reconnaissable du premier coup d’œil, ils distillent des images fortes et éloquentes, « transfigurées des passions et des instincts » inhérents à la nature humaine. Par le biais d’un humour libérateur – leur potion magique – doublé d’une jouissance esthétique.
En contact avec le fait, Botti et Maja observent, inventent. La vision fait une place considérable à l’analyse, le dessin l’emporte. Ils sont dessinateurs, sculpteurs et peintres, par la richesse des matières. Leur effet de mise en scène de bêtes et de gens, leur organisation formelle et spatiale, qui flirtent avec le surréalisme et le baroque, enchantent l’œil. Leurs œuvres charment par leur nervosité et leur moelleux.
René Botti fait la guerre à tous les travers de l’esprit et du cœur. Le Monde est maboul, Droit à la différence, Je crie… il placarde ses peintures sur palissades en bois, par goût du détournement. Osant les mélanges les plus inattendus, il pratique un art du hasard, affectionne la technique mixte qui abonde son œuvre d’éléments et de textures. Le regard perçant et ironique de Botti ne laisse aucune surface sans sens, sans lecture. Ce sont des partitions très calculées de signes, de citations, de poèmes, de typographie et de dessins métaphoriques aux traits qui se nuancent, qui se vivifient même par la tournure de l’esprit qui les exprime. Une élaboration méditée et rigoureuse des images de son univers poétique en un système formel cohérent. René Botti conjugue l’émotion et la règle dans ses ironies les plus piquantes.
Avec sagacité, Daniel Maja juxtapose les images comme les penseurs juxtaposent leurs pensées. Dans l’économie de ses dessins, il cultive la justesse synthétique et la force d’évocation. Par un subtil regard de biais, il se tient à distance pour mieux capter l’absurde. Quelques caractères évocateurs pour stimuler l’imaginaire et l’œil recherche le non-dit.
Bonheurs, La Vie Brève … les dessins de Maja sont des univers complets, force constructive et non agrément de surface, tour à tour graves et espiègles, ludiques et moqueurs. Le trait effiloché, vibrant, impressionniste mais « d’une sûreté diabolique » donne la forme d’une idée de la réalité. La palette chromatique raffinée compose les ondes mélodiques et atmosphériques. L’ensemble, appuyé sur de savoureuses bribes de textes, magnifient l’effet Maja : du décalé et du saugrenu.
Entre humour et satire, par leur manière particulière de jongler avec les mots et les images, René Botti et Daniel Maja nous dévoilent le dédale de notre âme. Leurs œuvres nous amusent, nous émeuvent, nous attendrissent. Elles sont à lire et à voir.